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Une victoire inspirante

November 24, 2022

Par Erin O’Halloran

Toronto

À l’âge de dix-neuf ans, j’ai quitté le Canada pour aller étudier dans une université britannique. Au cours des quinze années qui ont suivi, je me suis fait des ami.e.s dans le monde entier, j’ai travaillé aux Nations Unies, j’ai terminé mon doctorat à l’Université d’Oxford et j’ai épousé l’homme de ma vie. Tous ces bienfaits, qui découlaient directement de ma pratique bouddhique, ont contribué à l’établissement de fondations solides dans ma foi. Néanmoins, à l’instar de nous tous, mes activités et ma carrière se sont brutalement interrompues en 2020. Cela faisait déjà depuis juin 2018 que je briguais des postes dans le domaine de la recherche, car ce processus requiert généralement deux « saisons ». Malheureusement, en raison de la pandémie de COVID-19, le marché de l'emploi dans la sphère universitaire, qui était déjà très limité, a connu une chute libre. J’ai répondu à des centaines d’offres d’emploi auprès d’universités du monde entier, mais la plupart n’ont pas daigné m’envoyer une lettre de refus. C’était comme crier dans le vide. Je me suis alors mise à lutter contre un sentiment de honte car, après toutes mes années d’études et de formation, je ne parvenais pas à « faire » quoi que ce soit de ma vie. Paralysée par le doute, soudainement, je n'arrivais plus à assumer mes propres recherches ou mes propres écrits. 

En août 2020, j’ai quitté la Californie, où mon mari, Nick, terminait son doctorat, afin de rendre visite à mes parents au Canada. Je savais qu’avec la rentrée scolaire sur le point de débuter, il me faudrait subir au moins douze mois de chômage supplémentaires. Seule, en quarantaine après mon voyage, j’ai passé mon temps à pleurer, à réciter Nam-myoho-renge-kyo* et à dévorer, volume après volume, La Nouvelle Révolution humaine1. L’inspiration et les encouragements que j’ai trouvés dans les divers textes de mon mentor, Daisaku Ikeda2, m’ont empêchée de jeter l’éponge. L’un des passages que je relisais constamment est le suivant :

« L’esprit humain est aussi vaste que le cosmos. C’est la raison pour laquelle il est si tragique de se déprécier ou de douter de sa valeur. Quoi qu’il advinne, continuez à repousser les limites de votre vie intérieure. La confiance qui vous permettra de surmonter n’importe quel problème, la force qui vous permettra de triompher de l’adversité et de conserver un espoir illimité, tout cela existe en vous. »3

Six semaines plus tard, essayant de retourner en Californie, le droit d’entrer aux États-Unis me fut refusé. Les avocats spécialisés dans les questions d’immigration m’ont assuré par la suite que je n’avais enfreint aucune règle, mais mon passeport était désormais signalé. Ils me déconseillaient d’ailleurs de traverser la frontière pendant au moins un an. Du jour au lendemain, je me suis donc retrouvée coincée chez mes parents, près de Barrie en Ontario, avec seulement quelques vêtements d’été. Mon conjoint et moi ignorions complètement quand nous pourrions nous revoir, et je me suis sentie profondément désemparée quant à mon avenir. 

Alors que 2020 touchait à sa fin, je me retrouvais en pleine crise sur presque tous les fronts : ma carrière, ma situation d’immigration, mon lieu d’habitation, mes ressources financières et mon mariage. Cependant, selon la perspective bouddhique, j’étais en mesure de comprendre qu’il s’agissait d’un tournant décisif dans l’accomplissement de ma mission. Environ deux semaines avant d’être exilé, Nichiren, qui se déclarait « l’homme le plus fortuné du Japon »4, a écrit : 

« À l’époque de la Fin de la Loi, le pratiquant du Sûtra du Lotus se distinguera de façon certaine. Plus les persécutions qui s’abattront sur lui seront grandes, plus il ressentira de joie grâce à la force de sa foi. »5.

J’étais moi aussi déterminée à affronter mes défis avec un esprit de gratitude. Surtout qu’en vérité, il y avait de nombreuses raisons de se montrer reconnaissante. Habiter avec mes parents s’est avéré une chance précieuse pour reconnecter avec eux après de longues années à être séparés par la distance. J’ai également pu passer du temps avec ma grand-mère à la fin de sa vie, et lui faire mes adieux en personne, ce qui tenait du miracle. De plus, puisque les activités de la SGI étaient désormais tenues par visioconférence, je pouvais continuer d’endosser mon rôle de responsable adjointe du Groupe des jeunes femmes au sein de mon district en Californie. 

Parmi les invité.e.s, il y avait notamment une jeune femme qui rencontrait de grandes difficultés dans sa carrière et sa vie personnelle. Nous avons souvent discuté et prié ensemble. Je me suis engagée à ce qu’elle transforme sa situation grâce à une pratique bouddhique régulière, reçoive le Gohonzon et prenne éventuellement ma relève, car il devenait évident que j’allais joindre la SGI du Canada. 

J’ai également consacré toute mon énergie à transmettre ce bouddhisme à d’autres personnes. Treize de mes amies, vivant dans différents pays, ont participé aux sessions quotidiennes de récitation de Nam-myoho-renge-kyo que je dirigeais. Sept d’entre elles pratiquent maintenant régulièrement le bouddhisme, et sont abonnées aux publications de la SGI des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni. En janvier 2021, j’ai appris que l’Université de Cambridge avait retenu mon plan de recherche pour le soumettre dans le cadre d’un important programme de financement. J’ai pensé que l’aboutissement positif souhaité était enfin à ma portée. J’ai donc axé tous les aspects de ma vie vers cette perspective, allant jusqu’à me réveiller en pleine nuit pour réciter Daimoku*. J’étais tout simplement trop excitée pour pouvoir dormir.

Erin et Nick à Toronto

Puis, au mois de mai suivant, malgré le fait que je figurais sur une liste finale de sept cents postulant.e.s, ma candidature n’a pas abouti. Dans mon esprit, cette décision s’apparentait à l’ultime voie sans issue. Je me souviens d’avoir regardé mon Gohonzon et pensé : « À présent, on fera tout ce que TU as prévu, parce que MOI, je suis à court d’idées. » Ce soir-là, j’ai reçu l’appel d’une responsable de la SGI qui œuvre dans un domaine similaire au mien. Je lui ai mentionné mon intention et la lettre de refus, lui expliquant combien je m’étais précédemment sentie sûre de moi et à quel point je me sentais désormais perdue. Après m’avoir écoutée, elle m’a confié avoir vécu un tournant comparable dans sa propre carrière. Toutefois, dans son cas, le délai imposé avant d’être acceptée dans le programme de ses rêves avait favorablement modifié son parcours. « Ma belle, m’a-t-elle dit, il ne s’agit pas d’un "non", mais d’un "pas encore". Approfondis davantage. Refais une demande. Bats-toi pour cela. » Aussitôt la conversation terminée, j’ai envoyé un courriel à mes mécènes de Cambridge afin de solliciter leur aide pour deux candidatures relatives au cycle de subventions accordées l’année suivante. Cela impliquait des mois de travail acharné, sans garantie de réussite, mais ils ont tous démontré la volonté de me soutenir dans mon projet. J’ai donc décidé de ne pas gaspiller mon énergie à rechercher une autre affectation, mais de plutôt consacrer mes efforts à cette démarche cruciale. C’était quitte ou double. 

Dès lors, tout a semblé évoluer très vite. Nick a obtenu la permission de travailler à distance depuis le Canada. J’ai trouvé un bel appartement à un prix abordable, à Toronto, à deux pas du domicile de mon frère. Nous avons joint un district bouddhique dont beaucoup des membres étaient des ami.e.s d’enfance. Le jour de l’arrivée de Nick, j’ai reçu une communication inattendue de l’Université de Toronto me proposant un poste de chargée de cours contractuel. Je n’ai absolument rien eu à faire en ce sens. Ce sont eux qui m’ont trouvée pour m’offrir l’emploi idéal, dont je n’avais jamais entendu parler de surcroit. Cet automne-là, la jeune femme que je soutenais en Californie a reçu le Gohonzon. Elle a aussi utilisé sa pratique bouddhique pour transformer radicalement sa situation. Lors de la réunion commémorative du 18 novembre, elle a été nommée en tant que nouvelle responsable du Groupe des jeunes femmes de mon ancien district. La voir triompher d’épreuves douloureuses et se développer en devenant une responsable confiante et capable a été l’un des moments forts de mon année. Parallèlement, à ma grande surprise, et à la sienne, mon mari est tombé amoureux de Toronto. Tout en bénéficiant de nouvelles opportunités professionnelles, il a su tisser des liens forts avec ma famille, en particulier avec mon frère et sa conjointe, chose que je n’avais pas envisagé auparavant, quand nous habitions tellement loin. 

En décembre 2021, j’ai terminé la rédaction du dernier chapitre de mon livre, juste à temps pour prendre l’avion en direction du Colorado et passer les fêtes avec ma belle-famille. Une fois à la frontière, j’ai encore été contrôlée et interrogée mais, cette fois-ci, je m’étais préparée en apportant une foule de documents. En attendant mon interrogatoire avec les douaniers, je n’en revenais pas d’entendre mon mari réciter Daimoku discrètement à côté de moi. À peine quelques minutes avant l’appel d’embarquement, l’agent m’a accordé l’autorisation d’entrer sur le territoire américain. Notre calvaire était terminé, je pouvais de nouveau circuler librement aux États-Unis. Durant ce même hiver, je suis devenue chargée de cours à l’Université de Toronto où j’ai initié quatre-vingt-six élèves de premier cycle à l’histoire mondiale du XXe siècle. Je récitais Nam-myoho-renge-kyo pour que nos rencontres hebdomadaires se déroulent comme autant de « Cérémonies dans les airs »6, et pour que je puisse transmettre le cœur M. Ikeda à travers mon enseignement. Pendant tout le trimestre, j’ai reçu des dizaines de mots d’étudiants emballés par le cours, ce qui m’a fait chaud au cœur après avoir tellement combattu ma faible estime de moi en tant qu’universitaire. L’un de ces messages disait notamment ceci :

« Merci de nous rappeler que tant qu’une organisation est confiée à des êtres humains bienveillants, il y a de l’espoir. Je suis convaincu que vous changez le monde, un élève à la fois. » 

Erin avec son conjoint, Nick, et ses parents, Heather et Dave

De réaliser qu’une personne de ma classe, ne serait-ce qu’une seule, évaluait mon enseignement ainsi, a donné un sens à toutes mes années de formation et aux nombreuses luttes menées pour décrocher un emploi. À la suite de quoi, le 21 mars 2022, premier jour du printemps, j’ai su que j’avais obtenu la bourse de recherche postdoctorale Marie Curie (MSCA) me permettant de poursuivre mes travaux à l’Université de Cambridge. Il s’agit d’une bourse internationale financée par l’Union européenne, qui s’étend sur plusieurs années et figure parmi les distinctions les plus prestigieuses au monde. La rémunération et le budget de recherche sont nettement supérieurs à tous les programmes pour lesquels j’avais postulé précédemment. Ce matin-là, j’ai récité Daimoku* devant mon Gohonzon avec, dans mon cœur, une seule prière : « Que ma victoire soit une source d’inspiration pour les autres, pour qu’ils puissent adopter la Loi merveilleuse et révéler l’immense potentiel de leur vie. » 

Publié en mai 2023 ère nouvelle    

 

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1 La Nouvelle Révolution humaine raconte les aventures autobiographiques de Daisaku Ikeda, alias Shin’ichi Yamamoto, 3e président de la Soka Gakkai, et retrace l’histoire du mouvement bouddhique à partir de 1960. Cet ouvrage fait suite à La Révolution humaine qui couvrait les années d’après-guerre et l’essor de la Soka Gakkai avec Josei Toda, le 2e président. 

2 Actuel président de la Soka Gakkai internationale (SGI). 

3 Traduction libre, https://www.daisakuikeda.org/sub/quotations/theme/power-of-heart.html. (non disponible en français). 

4 « Sur l’ouverture des yeux », Les écrits de Nichiren, p. 271. 

5 « Un bateau pour traverser l’océan des souffrances », Les écrits de Nichiren, vol. 1, p. 33. 

6 La Cérémonie dans les airs, qui représente l’univers ou le monde de l’illumination du Bouddha, est expliquée dans le 15e chapitre du Sûtra du Lotus.