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Transformer le karma en mission

December 4, 2020

Par Chika Ono 

J’ai visité le Canada pour la première fois en 2013, réalisant ainsi un rêve de jeunesse. À cette époque, après avoir ressenti un lien très fort avec ce pays, j’ai fait la promesse à mon mentor, Daisaku Ikeda[i], que j’y créerais un groupe d’infirmières de la SGI, tel le Groupe Shirakaba-ka[ii] dont je faisais partie au Japon. Trois ans plus tard, au mois de septembre, je commençais mes études à la faculté des soins infirmiers du Collège Centennial de Toronto. L’excitation du début a rapidement fait place à un combat énorme. L’environnement culturel et physique était totalement différent de ce que j’avais connu au Japon. De plus, le programme intensif était épuisant et très exigeant. Le niveau élevé de stress a eu des conséquences graves sur ma santé générale, et les défis constants ont eu raison de ma motivation. À maintes reprises, j’ai eu envie d’abandonner et de fuir ma réalité. Toutefois, dans mes instants les plus sombres, je me remémorais mon serment envers M. Ikeda, et je trouvais l’énergie de continuer. 

D’aussi loin que je me souvienne, j’avais toujours craint de ne pas être suffisamment bonne, nourrissant un sentiment d’insécurité récurrent au sujet de mes capacités. Cette faible estime de moi-même faisait en sorte que je ne m’aimais pas vraiment. En outre, j’étais perfectionniste, je portais beaucoup d’attention à chacune de mes actions et je dépassais souvent mes limites, particulièrement au travail. Quand je faisais des erreurs ou ne réussissais pas bien, je me blâmais sévèrement de ne pas être « parfaite ». Je n’étais jamais satisfaite, ni de moi-même ni de mes accomplissements, et j’ignorais la petite voix qui tentait de stopper mon surmenage. Non seulement j’étais épuisée mentalement, mais je ressentais de moins en moins de joie intérieure. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de prier pour transformer la situation et pour ne pas me laisser abattre par les obstacles que cela occasionnerait. Petit à petit, j’ai commencé à entrevoir mes tendances karmiques, dont celle de ne pas apprécier la valeur de ma vie, ce qui m’empêchait manifestement d’être heureuse. 

Depuis mon arrivée au Canada, ces penchants s’affichaient de manière évidente alors que les défis persistaient. Sans démontrer la vigueur nécessaire, je ne pouvais pas réussir, surtout avec l’ajout de la barrière linguistique. Je devais travailler deux ou trois fois plus fort pour arriver au niveau des étudiants canadiens, tout en luttant contre mon sentiment d’inaptitude. Toutefois, à mesure que je récitais Nam-myoho-renge-kyo * et que je continuais à me renforcer dans ma pratique bouddhique, j'ai ressenti que je désirais sincèrement payer ma dette de gratitude envers le président Ikeda et j'ai continué à aller de l'avant. 

Pendant trois ans et demi, j’ai donc travaillé avec la même intensité jusqu’à ce que je ressente un changement dans mon corps. Quelque chose ne se passait pas bien avec ma santé. Cela a débuté par une chute complète d’énergie, puis une perte d’appétit et des ennuis de sommeil. Mon cœur se mettait à battre rapidement, ma respiration devenait ardue et je pouvais pleurer pendant des heures. Déprimée et exténuée, j’ai finalement atteint mon seuil d’épuisement, incapable de continuer mon programme. 

J’ai néanmoins continué de prier pendant cette période, souvent avec les larmes aux yeux, car je ne pouvais pas croire tout ce qui m’arrivait. De lâcher en plein milieu d’un semestre à cause d’une condition médicale me semblait inimaginable. J’ai dû cependant combattre mes sentiments d’échec et de douleur émotionnelle notamment lorsque je repensais à ma résolution de travailler pour kosen rufu. C’est alors que ma mère me donna des nouvelles de ma grand-mère âgée maintenant de 93 ans, une des premières pionnières du mouvement de la Soka Gakkai. Elle avait une immense confiance en sa pratique bouddhique, et se montrait très heureuse que je sois déterminée à œuvrer pour la paix mondiale. Elle n’était pourtant pas au courant de la situation que je vivais, et ma mère ne voulait pas qu’elle s’inquiète. Malgré cela, ma grand-mère lui avait confié une impression lourde de sens : « Je ne sais pas pourquoi, mais je ne peux m’empêcher de pleurer quand je prie pour Chika. » D’une façon ou d’une autre, même si ma mère ne l’en avait pas informée, elle ressentait ma détresse à travers notre connexion familiale et notre foi profonde. 

À la même période, mon père m’a contactée pour me demander comment j’allais. Je ne lui avais pas parlé depuis un bon moment. Je lui ai quand même fait part de ce que je vivais, de mes soucis de santé et de mon besoin maladif d’être en contrôle de la situation. Il m’a simplement répondu : « Laisse tomber tes études. Tu n’abandonnes pas, tu n’échoues pas. Maintenant, tu dois prendre soin de toi. » Ses paroles ont résonné profondément en moi, et en récitant Daimoku*  devant le Gohonzon*, j’ai fait surgir la sagesse de suivre son conseil. J’ai alors pris la décision d’abandonner mes cours. À la suite de quoi, il est resté en contact avec moi. Il me disait : « Je prie pour toi tous les jours pour que tu recouvres ta vitalité et redeviennes heureuse. » 

J’étais enchantée d’échanger avec mon père, car j’avais eu peu de contacts avec lui depuis le divorce de mes parents, douze ans auparavant. N’ayant pas une personnalité facile, mon père nous avait fait souffrir, surtout ma mère, par son côté dépressif. Par conséquent, il avait toujours été difficile pour moi de le comprendre même si j’essayais, et mon impression de lui en tant que père n’était pas optimale. Cela dit, à cause de ses propres luttes, il comprenait ma tristesse, mes combats et ma frustration. Ses paroles me sont allées droit au cœur : « Chika, tu es une Bouddha. Si tu te blâmes, cela implique que tu blâmes le Bouddha lui-même ainsi que le Gohonzon. Accueille-toi comme tu accueilles le Gohonzon. » Lorsque j'ai réalisé qu'il me comprenait parce qu'il avait traversé les mêmes épreuves, j'ai enfin pu comprendre sa propre souffrance. J'ai pu éprouver envers lui une immense compassion que je n'avais jamais ressentie auparavant. Cette compassion a surgi des profondeurs de mon cœur. 

Après un certain temps, j’ai retrouvé ma santé et recommencé à prier vigoureusement. J’ai alors éprouvé un sentiment de bienveillance envers moi-même, et je me suis félicitée de ma courageuse constance. Plus je récitais Daimoku, plus je sentais monter de la gratitude, non seulement envers les gens qui m’avaient appuyée, mais aussi à mon propre égard. C’était comme si j’admettais ma bouddhéité. J’ai alors cessé de m’inquiéter et de me demander si j’étais assez bonne, et j’ai réussi à m’accepter telle que j’étais. Ne m’étant jamais sentie ainsi, j’ai réalisé que je m’étais rendue si bas justement parce que je priais sincèrement pour réaliser mon vœu pour kosen rufu. Paradoxalement, c’est le fait d’être malade qui m’avait donné l’occasion de transformer profondément mon karma avec mon père et de faire jaillir l’état de bouddha dans ma propre vie. Cette expérience m’a clairement démontré ce que signifiait l’atteinte de la bouddhéité et l’allègement karmique. 

D’ailleurs, à ce propos, j’ai transformé mon karma en mission et ce, de façon inattendue. Au début de ma dépression, j’hésitais à prendre des médicaments bien qu’étant moi-même dans le domaine médical. Toutefois, mon parcours m’a appris que l’aide médicale était essentielle. En fait, personne ne sait s’il ne devra pas affronter un problème de santé mentale un jour ou l’autre. Dans notre société moderne, le nombre de gens qui vivent de l’épuisement ou subissent une dépression est à la hausse. Dû au stigmatisme social associé à ces conditions, plusieurs personnes hésitent à consulter rapidement. C’est un sujet complexe mais, avec l’expérience que j’ai acquise, je suis déterminée à devenir une infirmière qui comprendra cette adversité et pourra aider les autres dans leur processus de guérison. Désormais, je sais que c’est ma mission. 

Il semble parfois compliqué d’imaginer quand et comment nos prières seront exaucées. Lorsque nous ne voyons ni les progrès ni les résultats espérés malgré nos efforts, il peut arriver que nous ayons l’impression d’avoir échoué. Mais tant et aussi longtemps que nous nous engagerons aux cotés de notre mentor pour réaliser le vœu de kosen rufu, nous réussirons à transformer nos souffrances et ce, d’une façon dépassant toutes nos attentes. En ce qui me concerne, j’ai indéniablement ressenti le pouvoir de la prière de ma grand-mère, j’ai rétabli ma relation avec mon père, puis transformé mon karma en mission. Du plus profond de mon cœur, je suis très heureuse d’être celle que je suis. Là réside ma victoire et aujourd’hui, je suis prête à retourner à l’école tout en continuant d’avancer sur le chemin de ma mission pour la paix. 

En terminant, il me fait plaisir de citer un encouragement prodigué par Daisaku Ikeda :

« De nombreux éléments interviennent dans le fait qu'une prière soit exaucée, mais l'important est de continuer à prier jusqu'à ce qu'elle devienne réalité. En persévérant dans la prière, nous pouvons faire le point avec honnêteté, et faire évoluer notre vie de façon positive sur le chemin d’un effort sincère et constant. Même si nos prières ne produisent pas immédiatement des résultats concrets, une prière assidue engendrera à un moment donné, un résultat au-delà de nos espérances.»[iii]

Publié en mai 2022 ère nouvelle

  

* Consulter le glossaire en troisième de couverture.

 

[i] Actuel président de la Soka Gakkai internationale (SGI).

[ii] Shirakaba-ka : ce mot japonais qui signifie « Groupe de bouleaux », a été créé par Daisaku Ikeda le 6 juin 1969. Ce groupe est composé d’infirmières et d’infirmiers qui travaillent en arrière-scène en démontrant un profond sens des responsabilités. Ce groupe fournit les premiers soins aux membres de la SGI en cas d’urgence. M. Ikeda les a ainsi nommés parce que les bouleaux font partie d’une espèce indigène, qu’ils possèdent une grande force vitale et sont les premiers à apparaître dans les zones détruites par les incendies ou l'exploitation forestière.

[iii] Traduction provisoire, Buddhism Day By Day, p. 97.