Transformer joyeusement sa peur en découvrant sa mission
Par Dale Robinson
« Le bouddhisme nous enseigne que chaque personne écrit et joue le rôle de sa propre vie. Ni le hasard ni un être divin qui rédigent le scénario à notre place. Nous sommes les auteurs et les acteurs de la pièce qu’est notre vie. C’est une philosophie profondément positive, indissociable de l’enseignement des """"Trois mille mondes en un instant de vie ». Vous en êtes les auteurs et les héros. »[i]
Cette affirmation de Daisaku Ikeda, le président de la Soka Gakkai internationale (SGI), est l’une de mes citations favorites. Elle me rappelle que je suis la seule qui détient le pouvoir de créer le scénario de ma propre vie et à en devenir l’héroïne. Elle me rappelle également que je peux changer de cap à tout moment, d’un instant à l’autre, afin de m’ajuster avec ma propre histoire qui est en cours. Cette vision des choses est extrêmement valorisante. J’acquiers un sens de responsabilisation et, en même temps, le bienfait qui découle de l’acceptation de cette responsabilité. Ces notions constituent le cadre de mon témoignage.
Je suis une personne que l’on qualifie d’hypersensible, voire hautement sensible. Cela signifie que je suis facilement, et souvent profondément, affectée par toutes sortes de stimulus sensoriels qui existent dans mon environnement. Je peux être incroyablement émue par de la musique, de la poésie ou du théâtre. Je peux être bouleversée par des bruits sonores, des éclairages trop vifs et même certaines odeurs. Je peux également ressentir les sentiments et les états émotionnels des gens sans chercher à le faire intentionnellement.
L’intensité avec laquelle je perçois le monde autour de moi comporte néanmoins plusieurs avantages. Je ressens fréquemment de la joie à travers la musique ou la lecture, et je suis inspirée par diverses formes artistiques. Cette aptitude a très certainement facilité mon travail en tant qu’ingénieure du son, profession que j’ai exercée pendant dix ans. Intuitivement, je savais comment éditer des morceaux de musique, même si je n’avais jamais appris à lire les partitions. J’arrivais à ressentir la musique du plus profond de mon être, et à en discerner toutes les nuances. Je savais comment accroître l’impact des pièces musicales lors de la création de divers projets vidéo en post-production. J’ai vraiment adoré cet emploi. Mon hypersensibilité a aussi merveilleusement contribué au travail que j’exerce actuellement, soit celui de psychologue. Je suis particulièrement intéressée à travailler dans les domaines reliés aux émotions des gens, ce qui me permet d’utiliser encore davantage mes habilités d’hypersensible.
Ma sensibilité vis-à-vis de mon environnement étant accrue, cela peut naturellement constituer aussi un inconvénient. J’absorbe un plus grand nombre d’informations externes que je ne le voudrais, et qui ne sont pas toujours bonnes pour moi. Au fil des ans, j’ai compris que je devais non seulement protéger ce don, mais également me protéger moi-même pour éviter d’être sur-stimulée. C’est principalement grâce à ma pratique bouddhique que je suis parvenue à réguler ma nature sensible et à me ménager.
C’est un très bon ami qui m’a présenté le bouddhisme de Nichiren Daishonin en 2004. Un jour, au cours d’un repas, il m’a parlé de sa pratique bouddhique et m’a remis une carte sur laquelle était inscrit Nam-myoho-renge-kyo*. Je l’ai ramenée chez moi et commencé à réciter consciencieusement le mantra devant le mur de mon salon. Presqu’immédiatement, j’ai connecté avec le Daimoku*, et remarqué que sa récitation avait un effet apaisant sur moi. Ayant intuitivement ressenti son potentiel de guérison, j’ai continué de prier quotidiennement, même si ce n’était que durant cinq ou dix minutes. Étonnamment, les choses se sont mises à changer dans ma vie. J’ai d’abord remarqué un sentiment de protection accrue. Aucun événement en particulier n’en était la cause, mais je percevais un effet tampon plus important entre mon environnement et moi, ce qui avait comme effet de soulager ma sur-stimulation. Plus tard, je me suis jointe à un district bouddhique à Montréal où j’ai été accueillie à bras ouverts par les membres. J’ai reçu mon Gohonzon* le 5 juin 2005 et le parcours de transformation positive de ma vie a officiellement débuté.
Nous sommes conscients que la récitation de Nam-myoho-renge-kyo* révèle à l’avant-plan de nombreux défis à relever, et c’est alors que mes symptômes d’hypersensibilité ont pris la forme d’une anxiété accentuée et qui était particulièrement enracinée dans mon passé. Depuis mon enfance, je souffrais d’anxiété à différents degrés. Celle-ci a été nourrie par l’instabilité générée par le fait que ma famille déménageait tous les ans, requérant que je change systématiquement d’école. Pour une petite fille souffrant d’hypersensibilité, c’était bouleversant. La peur m’accompagnait constamment. Cependant, afin de me créer une forme de sécurité, j’arrivais à la gérer partiellement en développant des comportements ritualisés très particuliers. Maintenant, avec le recul, je considère ces agissements comme étant obsessifs-compulsifs.
Ainsi, jeune adulte, j’ai découvert l’impact d’engourdissement que l’alcool pouvait avoir sur mon hypersensibilité et mon anxiété. Durant de courts moments, je pouvais enfin retrouver un espace de paix, dénué de frayeur, ce qui constituait tout un cadeau ! Pendant de nombreuses années, l’alcool est simplement demeuré un moyen pour m’accorder un peu de répit salutaire face à mes angoisses, jusqu’à ce qu’il prenne une plus grande place. À un certain point, ma consommation d’alcool est devenue excessive, et j’ai commencé à glisser sur la pente menant à la dépendance. Finalement, mon sommeil, ma concentration et même ma mémoire s’en sont trouvés perturbés. L’élixir que j’avais choisi pour diminuer mon anxiété y contribuait alors activement, et je ressentais une grande détresse.
Tel que le bouddhisme nous l’enseigne, j’ai amené ma souffrance devant le Gohonzon. Je récitais Daimoku quotidiennement pour arrêter de consommer de l’alcool mais, chaque jour, je m’arrêtais acheter du vin sur le chemin du retour. J’ignore combien de temps exactement cette routine a duré. À un certain moment, je me suis rendu compte que je devais changer tout en prenant également conscience que j'étais apparemment incapable de le faire. Comme nous l’apprenons également dans notre pratique bouddhique, la prière n’est pas suffisante, il faut aussi passer à l’action. Bien que je ne puisse pas affirmer que cela se soit fait consciemment, j’ai un jour décidé de ne pas boire durant 24 heures. Puis, j’ai renouvelé cette détermination une autre journée, puis encore une autre. Progressivement, je suis parvenue à quelques semaines d’abstinence. Pendant tout ce temps, j’ai continué de prier et de réciter Nam-myoho-renge-kyo. À la suite de quoi, grâce au pouvoir de la Loi merveilleuse[ii], j’ai assisté à ma première réunion des Alcooliques anonymes (AA) où j’ai découvert que l’alcool n’était que le symptôme d’un problème à affronter. Le véritable travail a donc débuté lorsque j’ai progressivement commencé à déballer toutes mes émotions, y compris l’anxiété paralysante à l’origine de ma consommation d’alcool. J’ai dû confronter, sans détours, tous mes comportements internes qui nourrissaient ma dépendance.
En accomplissant ma révolution humaine, j’ai compris que ma peur provenait de mon « petit moi » dominé par l’ego, et que de réciter Daimoku permettait à ma sagesse, ma compassion et mon courage inhérents d’émaner. Tous ces attributs correspondent aux qualités du Bouddha et permettent d’éradiquer la crainte. À partir de mon « grand moi », mes insécurités personnelles se sont métamorphosées en mission, et kosen rufu est devenu la plateforme à partir de laquelle je peux contribuer au bonheur des autres et où je crée un changement. En œuvrant de cette façon, je retrouve une paix et un calme que je n’avais jamais connus auparavant, et je peux puiser dans une source de carburant si grande que mes terreurs s’évaporent. Je n’ai aucun doute sur le fait que j’ai trouvé ma raison d’être et que l’alcool n’était qu’un panneau de signalisation destiné à me conduire jusque-là. Prier avec sincérité devant le Gohonzon m’a permis d’acquérir la puissance et le carburant nécessaires pour effectuer un changement.
Tant d’aspects de ma vie ont été influencés par le bouddhisme que j’en serai éternellement reconnaissante. C’est un privilège immense pour moi que de travailler en tant que psychologue. Accompagner les gens dans leur cheminement personnel est incroyablement gratifiant, et empreint d’humilité. Peu importe si mes clients s'en rendent compte ou non, ma philosophie en matière de transformation psychologique et le travail connexe qui en découle sont inextricablement liés à ma pratique bouddhiste et à ma propre révolution humaine. Il ne pourrait plus en être autrement.
J’ai une épouse magnifique qui s’appelle Rosa et avec laquelle je suis mariée depuis maintenant dix-sept ans. Elle me soutient affectueusement et constamment dans toutes mes activités de la SGI en tant que responsable de district. Nous avons une belle demeure située sur le bord du canal de Lachine à Montréal et un chien yorkshire nommé Bailey. En bonus, je suis propriétaire de l’auto de mes rêves. Je suis heureuse d’annoncer que je viens de célébrer ma septième année de sobriété, et je ressens une immense gratitude envers mes deux familles : celle des AA et celle de la SGI. Tous ces bienfaits sont directement liés à ma pratique bouddhique. Une femme, et amie, de grande sagesse m’a dit un jour : « Quand tu ouvres ton autel bouddhique dans lequel est enchâssé le Gohonzon, tu ouvres ta vie. » C’est tellement vrai. Avec les restrictions qui nous ont été imposées par la pandémie de Covid-19, il est plus facile de se laisser décourager et de régresser [dans sa foi]. Toutefois, jour après jour, dès que j’ouvre mon autel bouddhique et que j’engage un dialogue avec l’univers, je redynamise cette part de moi qui demeure positive, éternellement jeune et porteuse d’espoir. Grâce à la prière et la récitation de Nam-myoho-renge-kyo, tout devient possible et je trouve l’inspiration, la motivation et la force dont j’ai besoin pour accomplir ma mission.
Dale et son épouse, Rosa.Je prends désormais l’entière responsabilité de créer le scénario de ma vie, et j’apporte tout ce qui en découle dans mon travail en tant que bodhisattva[iii]. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est un cheminement vraiment merveilleux. En conclusion, j’aimerais citer cette directive de mon mentor, M. Ikeda :
« Pour mener une vie qui soit inspirante pour soi-même et les autres, nos cœurs doivent être vivifiés, ils doivent être débordants de passion et d’enthousiasme. […] Comme le mentionnait également le président Toda, pour y parvenir, nous devons avoir le courage de vivre en restant fidèles à nous-mêmes. Plutôt que d’emprunter les idées des autres ou de les imiter, il nous faut acquérir la conviction que nous pouvons penser par nous-mêmes, et prendre action sur la base de notre propre sens des responsabilités. »[iv]
Publié en mai 2022 ère nouvelle
* Consulter le glossaire en troisième de couverture.
[i] Traduction libre, Ikeda, Daisaku, Faith into Action (La foi en action- non disponible en français), p. 35.
[ii] Loi merveilleuse: La Vérité ultime de l’univers. La Loi de Nam-myoho-renge-kyo.
[iii] Bodhisattva: Celui qui aspire à l'illumination, ou à l'état de Bouddha. Bodhi signifie l'illumination, et sattva, un être vivant. Un bodhisattva animé d'une profonde compassion recherche l'illumination pour lui-même et pour les autres.
[iv] Traduction libre, Ikeda, Daisaku, For Today and Tomorrow, Daily Encouragement, p. 397.